La Violence à l'encontre des femmes
Les Violences Psychologiques
Par Mathilde LESNE Psychologue © ELYSIUM3 2021
Le caractère pluriel de la violence
Pour parler de la violence faite aux femmes, il est important de considérer ces actes de violence comme un phénomène pluriel. Plutôt que de parler de LA violence, il serait plus juste de traiter DES violences, tant leurs formes et sphères d'intervention sont multiples.
Si ces formes de violences peuvent concerner tout le monde, les femmes en sont souvent les victimes et ce, quel que soit leur âge, leur catégorie socio-professionnelle ou leur origine sociale. Par ailleurs, là où la posture de victime pourrait être perçue comme résultant d'un état de faiblesse initial, il ne constitut en rien un prérequis nécessaire, parfois même bien au contraire.
Parallèlement, s'il est assez spontané d'imaginer ces atteintes dans un contexte conjugal, il est important de prendre consciences qu'elles peuvent intervenir dans tous les contextes sociaux, tels que le monde du travail, celui de l'éducation ou les relations familiales et amicales par exemple.
Dans le cas des violences faites aux femmes, la représentation collective semble aller spontanément dans le sens des violences physiques et conjugales alors qu'il est possible de citer bon nombre de typologies d'atteintes, qui par ailleurs peuvent intervenir simultanément.
1) Les violences physiques regroupent l'ensemble des atteintes et agressions physiques, avec ou sans arme, et regroupent un large panel de gestes allant de l'action de pousser aux coups avec violence et en passant par les agressions sexuelles (bien que ces dernières soient souvent considérées comme une forme de violence à part entière). Ce mode d'agression peut alors être considéré comme primaire et dans une volonté d'atteinte à l'intégrité physique de l'individu.
2) Les violences économiques consistent à "contrôler" un individu en lui empêchant une autonomie financière. En ce sens, la victime peut être entravée dans l'accès au monde du travail, ne pas pouvoir user des moyens de paiement (carte bancaire, chéquier, saisie du salaire...) ou ne disposer que d'un montant contrôlé. Cette forme de violence amène alors des répercussions importantes, notamment sur le plan social de la vie de la victime.
3) Les violences psychologiques concernent quant à elles les atteintes non-physiques et se manifestent par des comportements ayant vocation à dénigrer, isoler et blesser un individu afin de lui assigner un statut d'infériorité.
A titre d'exemple, il est possible de citer les violences verbales consistant à insulter, humilier, rabaisser l'individu par des mots, des insultes, des cris ou même des silences (en ignorant perpétuellement l'autre, allant jusqu'à nier son existence), le harcèlement (moral, sexuel, le chantage au suicide...), mais également les violences sociales consistant à isoler et contrôler la manière dont la victime interagis avec son environnement social (empêcher certaines fréquentations, interdire le port de certaines tenues...).
Les violences psychologique, l'invisible voile de plomb
Si toutes les formes de violences sont nocives et doivent être endiguées, les violences psychologiques prennent une teneur particulièrement insidieuse de par leur caractère invisible, polymorphe et difficile à caractériser. De plus, si leurs conséquences n'apparaissent pas spontanément comme dans le cas des violences physiques (hématomes, fractures, contusions...), elles n'en sont pas moins réelles et doivent être considérées avec le plus grand sérieux.
Cette absence de "marques" physiques se répercute alors dans la lutte contre ces violences à différents niveaux dont le premier concerne la victime elle-même. En effet, les violences psychologiques consistant principalement à "casser" la confiance et l'estime de soi de la victime, cette dernière peut progressivement considérer les atteintes de son agresseur comme une réalité objective, à laquelle elle risque par la suite d'adhérer.
En adéquation avec cette nouvelle perception d'elle-même, les violences subies peuvent alors même être considérées comme légitimes, enkystant la victime dans ce nouveau statut. Selon le cadre dans lequel ces violences interviennent (conjugales, professionnelles...), l'auteur peut user de divers moyens de pression afin de garder sa victime sous emprise (menace de renvoie ou d'entrave de l'évolution professionnelle, faire courir des rumeurs dégradantes, menace concernant la garde des enfants, menace au suicide...).
En seconde instance, c'est l'entourage de la victime qui peut être impacté dans la perception de ces agissements. Effectivement, dans le cadre des atteintes psychologiques, il n'est pas rare que l'agresseur n'adopte ces comportements qu'en l'absence de témoins, voir qu'il se présente sous un jour particulièrement charmeur et avantageux afin d'être apprécié.
Cette attitude est alors particulièrement délétère tant elle contribue à décrédibiliser le statut "d'agresseur" de ce dernier, qui fait figure d'individu idéal et prévenant aux yeux de tous. Il est alors d'autant plus difficile pour la victime de faire entendre sa détresse.
En dernier point, c'est sur le plan légal que les violences psychologiques présentent certaines difficultés. En effet, s'il existe un cadre juridique très développé et connu en matière de violences physiques, les violences psychologiques sont plus difficiles à caractériser et consistent souvent en la mise en concurrence de la parole de la victime face à celle de l'agresseur.
Néanmoins les évolutions sociétales récentes ont permis une prise en considération croissante des violences psychologiques (harcèlement sexuel au travail, harcèlement de rue, violences conjugales verbales...) entrainant le développement d'une nouvelle législation adaptée à la répression de ces atteintes et ayant contribuée à la formation des professionnels (policiers, gendarmes, magistrats...) à la prise en charge des plaignants.
En termes de conséquences pour la victime, les violences psychologiques peuvent se manifester par une multitude de formes somatiques, sociales et psychiques. Sur le plan somatique, au-delà des conséquences provoquées par les violences physiques qui peuvent être associées, les violences psychiques peuvent entrainer, à titre d'exemple, des troubles du sommeil, des troubles des comportements alimentaires ou encore de la digestion.
Concernant l'aspect social, ces atteintes peuvent se manifester par un isolement social ou une perte d'emploi pour la victime.
Sur le plan psychique, ces violences sont lourdes de conséquences notamment en ce qui concerne l'estime de soi, le sentiment d'efficacité et la confiance en l'avenir, mais elles peuvent également entrainer des troubles dépressifs, des troubles de l'addiction (prise de substances, comportements à risque), de l'anxiété ou des syndromes de stress post-traumatique par exemple.
Echappatoire et résilience
Si l'extraction de ces situations d'emprise n'est pas aisée, elle n'est en rien impossible ! Il est extrêmement rare que l'auteur renonce à ses agissements par lui-même pour plusieurs raisons. Premièrement, l'auteur a souvent un bénéfice important à maintenir sa victime dans cette posture et ne perçoit pas d'intérêt à changer de comportement.
De plus, les représentations sociales peuvent, dans certains cas, aller dans le sens de cette inégalité homme/femme et conforter l'agresseur du bien fondé de ses agissements. En dernier point, certains traits de personnalité peuvent avoir pour conséquences des agissements violents de ce type, en guise d'illustration il est alors possible de citer les pervers-narcissiques ou les psychopathes dénués d'empathie et de culpabilité, bien qu'ils ne représentent qu'une infime part des personnes concernées.
Parallèlement il peut être très difficile pour la victime de s'extraire seule de la situation (souvent en raison du sentiment de honte, de culpabilité et de peur). En ce sens, l'intervention d'un tiers apparait souvent comme la solution la plus efficace pour sortir la victime de ce climat délétère.
La première entité compétente face à ces agissements de violence psychologique sont les instances légales (police, gendarmerie, procureur de la République) qui disposent de l'ensemble des moyens pour intervenir et protéger la victime face aux agissements de son bourreau.
Cette démarche pouvant être difficile à entreprendre, les proches constituent souvent la ressource privilégiée afin d'enclencher des procédures, bien qu'il existe également un grand nombre de professionnels (médecin traitant, psychologue, travailleur social...) et d'associations pouvant soutenir et accompagner les victimes dans leur processus d'extraction et par la suite de reconstruction
Les violences psychologiques sont particulièrement difficiles à prendre en charge tant elles touchent à l'essence même de l'individu et de sa construction psychique. Il est alors très difficile de prendre en charge ces blessures diffuses qui ne pourront jamais être effacées ou oubliées entièrement. Une notion prend alors tout son sens en matière de soin des atteintes psychiques, la résilience.
La résilience est un concept issu de la physique qui peut se définir par le fait qu'un corps ayant subi une importante force contraire va reprendre sa forme initiale (exemple d'une balle en mousse que l'on écrase au creux de sa main et qui reprend sa forme).
Appliquée à la psychologie, la résilience se définit plutôt par le retour à un nouvel équilibre (différent de l'état précédant les préjudices) après un temps d'oppression et de violences. Les séquelles ne seront pas "gommées" mais feront partie d'une nouvelle version de la victime, qui va trouver un nouvel équilibre psychique, différent de son état initial.
Cette résilience étant propre à chaque individu, elle peut prendre de multiples formes et passer par de multiples médias et supports tels que le travail, la thérapie ou encore l'art.
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