Les Voyageurs

27/07/2021

France An de grâce 2020 ,

Profondément marqué par la crise sans précédent des gilets jaunes, le gouvernement fut en 2019 malmené et contesté dans sa légitimité depuis soixante ans.

D'une jacquerie jaune issu des populations les plus transparentes de France, investissant les ronds-points et les grands axes, au fil des actes de fin de semaine, la contestation s'essouffla au fur et à mesure de la mise en place par les gouvernants du grand débat national.

Cahiers de doléances, recueils sur un site internet, analyses des données et des méta données, mises en œuvre de réunions citoyennes,

Rien n'y fit, la population rechigne et trépigne encore, pour ne pas s'inscrire dans un débat qui représente moins d'un pour cent de nos concitoyens.

Tout le monde a bien conscience que ce débat est mort-né car voué à l'échec. Il ne peut prendre en compte que des constats d'intérêts antagonistes ; qui ne font nullement une politique publique mais la présidence sait par avance que le peuple de france est déjà tombé dans une nasse, piégé à l'insu de lui-même, pour son plus grand malheur.

Ce sont désormais des algorithmes qui détermineront des mots clés sur des pages et des pages de désespérance où d'espoirs sans lendemain, personne ne croit encore que les gouvernants mettront en œuvre des politiques publiques qui correspondent à des aspirations antagonistes.

C'est dramatique, pathétique et unique ;

Il s'agit d'utiliser la force mais surtout la faiblesse de ceux qui n'ont pas les moyens d'avoir une réflexion holistique fondée sur des preuves et des statistiques vérifiables.

Dans ce grand Capharnaüm pointe en filigrane, une rupture totale et définitive entre le politique et le peuple ce qui en soi porte les germes de nouvelle force de gouvernance que l'on ne peut encore nommer avec des mots d'hier, la force du plus grand nombre est la certitude d'un totalitarisme cauchemardesque car issu de gens aux meilleures intentions.

C'est là qu'entre en scène le gouvernant qui sait qu'il trouvera ici le moyen de reprendre en main la France et instaurer une discipline de fer.

Nous avions le terrorisme radical islamiste, nous revoilà avec des mouvements hétérogènes qui s'allient et se délitent aussi vite qu'un Snapchat éphémère, des mouvements composites qui n'ont jamais vraiment disparus et ressurgissent de manière explosive et incontrôlé.

Cette perte de contrôle, c'est la perte des repères d'un monde qui s'effondre sur lui-même et un autre qui terrifie plus qu'il ne rassure.

Tout avait commencé avec une belle idée, communiquer et s'extraire des parasites étatiques qui maitrise les rouages de l'information. Une information qui désormais suit les flatulences de notre société moribonde qui ne sait plus à quels saint se vouer entre le droit mou, le droit dur et le droit flou, une société qui normalise à outrance puisque les lois sont édictées dans l'émotion de l'instant.

Cette belle idée, ce fut l'avènement du World Wide Web, un système qui n'a pas de tête, de corps ni de queue, un système sans foi ni loi, sans frontière ni substance, un système vite récupéré par quelques-uns au service de l'asservissement de masse.

Tandis que le monde d'hier s'effondre, la planète s'enfoncent dans la nuit des catastrophes humaines et climatiques.

Un système quantique sans centre de gravité qui déroule dans une spirale infinie, la finitude de l'homme et son infinie solitude face à ce monde du silence qui s'entrechoque dans la cacophonie.

Alors, la révolte des pauvres bougres se répandait comme un nappe de naphte et s'agglutinerait, se coagulerait en souillant tout sur son passage.

Les gouverneurs de la rosée, devinrent des divinités des haut-fond ou l'obscurité règne en maitre absolu.

Les réseaux sociaux distillent leur venins et engourdissent les esprits, les chapelles se créent et s'auto dissolvent, l'information tourne en boucle de rétro action, et les hommes se parlent à eux-mêmes croyant parler à d'autres, ils sont comme des pêcheurs qui croient entendre le bruit de la mer dans un coquillage limbique.

La schizophrénie devient paroxystique. Le pot au noir se transforme alors en ouragan faisant tournoyer des algues en putréfactions dans un gigantesque vortex où se mélange les détritus cadavériques.

Dans un salutaire sursaut, les peuples s'affrontent et les pillards suivent, détruisant tout ce qui représente à leurs yeux les forces du mal.

Rien n'est épargné, la Rome antique est pillée, brulée, les hommes mis en esclavage, les femmes données aux hommes comme butin, les enfants jetés dans le fleuve avec les vieillards et les infirmes,

Paris brûle, paris pleur, paris ne chante plus. Chaque monument est détruit, les magasins de Sodome et Gomorrhe sont détruits et les commerçants chassés tout comme les lieux de stupres. Affolés les survivants partent dans le désert, malheur à celui qui se retourne, vite transformé en statut de sel qui se désagrège.

Il reste les lois et ceux qui les appliquent, il reste les gens d'armes qui font respecter ce qui n'est plus.

Après des mois d'errance, les humains reviennent au cœur des cités et y trouve un ordre nouveau auquel ils ne peuvent déroger sous peine de mort sociale, pire que la mort qui délivre l'être de la matérialité des choses de la vie.

Au-dessus d'eux, surgissent des animacules droniques qui les scrutent de leur yeux de verre, froidement.

Les attroupements sont immédiatement réprimés et les récalcitrants sont parqués dans de long couloirs ou il est attribué à chacune et chacun un rôle prédéterminé.

Les Nano Cops pulvérisent les récalcitrants de PMC et doivent leur lire leurs droits qui s'est restreint qu'à une seule article :

Plus haut dans le ciel, des oiseaux crachent leurs sillages de kérosène brulant, mais là-haut, seuls les « voyageurs » y sont admis.

Sitôt arrivée, les hommes sont transportés vers des usines immaculées, c'est là qu'une armée de blouses blanches attribuent un code biométrique unique et procède à des transformations sur l'individu.

Certains ont les cordes vocales soigneusement tranchées et une pico-puces les relient à un serveur unique qui les accouplent avec des terminaux. Leur yeux sont ôtés et reliés à des réseaux d'écrans tandis que leur ouïs est désactivée, n'ayant plus aucune utilité.

Certains s'enfuient et errent comme des âmes perdues. Pourchassés sans relâche, ils se terrent dans les égouts des villes et organisent la résistance ; s'ils sortent, ils sont aspergés de produits de marquage « codés ADN de synthèse » ou PMC bien plus discrets, qui sont des dispositifs chimiques indétectables à l'œil nu, inodores et incolores permettant le marquage des biens, des personnes et des lieux.

Détectable sous une lampe à ultra-violet, ils sont présumés suspects d'un délit-crime et les tribunaux s'inspirant du système judiciaire japonais, les condamnent à vie sauf s'ils plaident coupables et acceptent d'être déshumanisé.

Dans les cercles restreint du pouvoir, les scènes orgiaques ne sont pas rares et les gouvernants sont éclairés par une armée de « sachants » qui sont désormais, les yeux, les oreilles et la parole politique. Ce seront les seuls à devenir des « Voyageurs ».

L'obéissance aveugle est la loi qui crée le besoin d'obéissance, lorsqu'il est stimulé par le désir de faire partie d'une communauté soudée par son allégeance à quelques symboles et à l'autorité charismatique d'un « chef » auquel personne ne paraît résister

Résister au pouvoir, et face à lui, se disposer intérieurement à la possibilité de la désobéissance. C'est que « le pouvoir corrompt, et le pouvoir absolu corrompt absolument ».

Kant, dans un des textes qu'il consacre à un problème politique, a parfaitement résumé la difficulté. Il nous explique que l'homme est un animal qui à partir du moment où il vit parmi ses semblables a besoin d'un maître qui le force à tenir compte des lois .

Mais ce maître est lui-même un homme, il a donc lui aussi besoin d'un maître. Il est donc très dangereux, selon Kant, d'être dirigé par un chef sans maître, c'est-à-dire par un chef auquel personne ne résiste. Simone Weil disait ceci, « toute collectivité régie par un chef souverain qui n'est comptable à personne est entre les mains d'un malade ».

Notre société devient un réseau neuronal de données ou il n'y plus de place pour les fous, les atypiques, les libertaires, les rebelles. La chienlit à fait place au monde du silence.

Le peuple ne sort plus, les monuments sont classés, la paix règne enfin dans le monde parfait ou circule paisiblement des cars studieux sur les autoroutes. Le résident de la république peut désormais se consacrer à ses loisirs.

©José_Boudey_2019